Cambriolage au Louvre : Laure Beccuau, la Procureure de la République de Paris, décrit une "opération extrêmement bien préparée"

Mercredi 29 octobre, l’un des deux suspects a été mis en examen dans le cadre de l’enquête sur le vol ayant eu lieu au musée du Louvre à Paris. Laure Beccuau, la procureure de la République de Paris, était l'invitée du journal de 20 Heures.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Elle est en charge de l’enquête la plus médiatisée de l’année, une traque que le monde entier scrute depuis dix jours maintenant après le cambriolage spectaculaire au musée du Louvre. La procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, était l’invitée du journal de 20 Heures.
Jean-Baptiste Marteau : D'abord, on évoquait deux personnes arrêtées en garde à vue depuis trois jours et demi. Ils sont devant un juge d'instruction. Où en est-on ?
Laure Beccuau : Avant d'entrer sur votre plateau, j'étais informée que l'un des deux mis en cause venait d'être mis en examen pour les qualifications que nous avons retenues, c'est-à-dire celle de vol en bande organisée et celle d'association de malfaiteurs.
Jean-Baptiste Marteau : L'autre devrait l'être dans la soirée ?
Laure Beccuau : Les investigations au niveau des magistrats instructeurs se poursuivent et, évidemment, les mises en examen vont être associées sur la poursuite de cette soirée.
Jean-Baptiste Marteau : Vous avez dit notamment tout à l'heure en conférence de presse que ces deux suspects ont reconnu partiellement les faits. Concrètement, qu'est-ce que ça veut dire ? Qu'est-ce qu'ils ont reconnu ?
Laure Beccuau : Alors, ce que je veux dire par là, c'est qu'ils ont reconnu leur implication dans le vol tout en ne détaillant pas toute l'organisation et, évidemment, peut-être l'intégralité de leur participation.
Jean-Baptiste Marteau : Ce sont bien eux que l'on voit sur les images, qui étaient présents dans la galerie d'Apollon ?
Laure Beccuau : Alors sur ce point, leurs déclarations pouvant être évolutives, évidemment, on ne peut pas faire de leurs déclarations cette déduction. En revanche, je peux partager une conviction, c'est qu'au regard des éléments objectifs que nous avons en procédure, les enquêteurs et les magistrats du parquet, nous sommes tous convaincus que les deux personnes qui ont été présentées aujourd'hui sont celles qui étaient dans la galerie d'Apollon, effectivement.
Jean-Baptiste Marteau : Vous avez dit qu'ils ont changé de véhicule à l'aller et au retour. Est-ce que ça veut dire qu'on est dans une opération extrêmement bien préparée, minutieusement orchestrée ?
Laure Beccuau : Cette opération a été effectivement extrêmement bien préparée puisque l'ensemble des protagonistes ont utilisé des véhicules relais, ont su se procurer ce véhicule camion nacelle qui leur a permis d'accéder à la galerie d'Apollon. Ils avaient les outils. Ils avaient prévu d'incendier ce véhicule nacelle, c'est-à-dire qu'ils avaient pensé aux traces qu'ils pourraient laisser derrière eux. Mais l'intervention extrêmement rapide d'une patrouille de police et d'agents de surveillance du musée du Louvre a mis fin à ce projet d'incendier ce véhicule.
Jean-Baptiste Marteau : Ils ont laissé beaucoup d'indices. De votre expérience, de ce que vous savez de ce genre d'affaires, ces deux suspects sont-ils issus du grand banditisme ?
Laure Beccuau : Il faut prendre garde aujourd'hui face au développement de la criminalité organisée, tel qu'on a pu la constater dans un dossier extrêmement médiatisé, tel que celui du dossier [Mohamed] Amra ou dans les dossiers d'enlèvement d'entrepreneurs de crypto-monnaies. La criminalité organisée, c'est une association de profils aujourd'hui. Vous avez des gens extrêmement expérimentés, puis vous avez des gens qu'on peut recruter sur les réseaux sociaux, y compris alors qu'ils n'ont aucun casier judiciaire pour monter immédiatement au plus haut du spectre de la criminalité organisée. Donc anticiper des profils sur un groupe est un peu vain. C'est au fur et à mesure des interpellations qu'on découvre comment s'est constitué le groupe.
Jean-Baptiste Marteau : Les deux personnes arrêtées ne sont pas forcément les plus expérimentées. Ils ont été peut-être un peu dépassés lors de l'opération.
Laure Beccuau : On a deux profils différents, si je me fonde sur leur casier judiciaire. L'un des deux a effectivement un casier judiciaire qui est essentiellement lié à une criminalité routière. En revanche, l'autre a déjà à son casier plusieurs condamnations pour vol, notamment un vol qui consistait à l'attaque d'un distributeur de billets avec une voiture, ce qui est quand même le signe d'une détermination et d'un ancrage dans une forme de criminalité organisée.
Jean-Baptiste Marteau : Vous avez affirmé qu'ils étaient au moins quatre à avoir participé à ce cambriolage. Est-ce que ça veut dire que vous n'excluez pas qu'ils soient beaucoup plus nombreux, que le réseau soit beaucoup plus vaste ?
Laure Beccuau : Rien ne peut être exclu à ce stade de l'enquête, même si elle a déjà fait de formidables progrès. Parce que, le réseau a pu se structurer en pensant à ceux qui allaient fournir les véhicules, ceux qui allaient faire du repérage, peut-être un commanditaire. Tout ça relève de suppositions à l'heure actuelle.
Jean-Baptiste Marteau : Il y a au moins deux personnes en plus ?
Laure Beccuau : Il y a au moins deux personnes en plus avec toute certitude puisqu'on les voit sur les images de vidéosurveillance tant de la ville de Paris que du musée du Louvre, que d'autres systèmes de vidéoprotection.
Jean-Baptiste Marteau : On sait que vous ne pouvez pas tout dire. Ils sont au moins identifiés, ces deux personnes supplémentaires. Vous avez des traces d'ADN ?
Laure Beccuau : Nous avons des pistes. De là à vous dire s'ils sont identifiés, c'est un autre volet de l'enquête qui me permettra de l'affirmer.
Jean-Baptiste Marteau : Les bijoux, vous avez dit en conférence de presse, "ils ne sont pas encore en notre possession". Est-ce que ça veut dire que vous pensez qu'un jour on va les récupérer ?
Laure Beccuau : Je veux garder cet espoir, cette conviction. Je la fonde sur un certain nombre d'éléments. Le parquet de Paris, depuis un certain nombre de mois, a été saisi de vols au sein des musées. [...] À chaque reprise, non seulement nous avons eu des mises en examen, mais au moins deux d'entre eux, une partie des bijoux volés, ont été récupérés, quelquefois par la négociation, par la restitution volontaire, d'autres fois grâce à l'action des services enquêteurs.
Jean-Baptiste Marteau : C'est probablement un vol qui a été commandité. Est-ce que vous savez s'ils ont été commandités par un groupe, par des individus ?
Laure Beccuau : Je ne franchirai pas cette étape d'un commanditaire avec toute certitude. Encore une fois, sa présence est possible, mais on peut aussi avoir retenu l'adjonction de différentes formes de profils qui ciblent désormais les musées. Il faut savoir que nos musées, mais pas seulement les nôtres, les musées au niveau européen, peuvent être la cible de réseaux de criminalité organisée qui ont repéré ces cibles possibles et qu'ils considèrent comme faciles.
Jean-Baptiste Marteau : Mais vous avez dit, que ces bijoux étaient aujourd'hui invendables. Ça veut dire que c'est peut-être un collectionneur qui a demandé spécifiquement qu'ils soient volés ? C'est une possibilité ?
Laure Beccuau : C'est une possibilité parmi d'autres. Et quand je parlais de bijoux invendables, ce que je voulais dire, c'est qu'ils sont invendables sur un circuit légal. Toute personne qui aurait la volonté de s'en saisir, de les vendre, ne serait-ce que de les posséder, peut être poursuivie pour recel de vol et encourir les peines prévues pour ce crime.
Jean-Baptiste Marteau : Vous pensez que cette enquête va encore durer des jours, des semaines, des mois ?
Laure Beccuau : Vu la mobilisation des enquêteurs, la technicité que j'ai déjà eu l'occasion de souligner, j'espère qu'elle va connaître des accélérations majeures, parce que c'est le temps qui jouera pour nous.
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